H. Rossier — Courtes méditations — n°38 [34]
ME 1923 p. 229-232
Pour entreprendre une longue marche, il est nécessaire d’avoir pris de la nourriture et ensuite de renouveler ses forces avec les aliments dont on a fait provision. Je désire aujourd’hui montrer en quelques mots l’influence de la nourriture sur la marche du chrétien.
Après la Pâque et la mer
Rouge (types de la Rédemption qui, d’un côté, nous met à l’abri du jugement de
Dieu, de l’autre nous délivre de l’esclavage de Satan et nous amène à Dieu), le
peuple d’Israël est appelé à entreprendre la marche à travers le désert. Ici il
n’a qu’une seule nourriture, nourriture uniforme sans doute aux yeux de
l’homme, mais contenant tous les éléments qui entretiennent la vie et
pourvoient aux obstacles de la route ; de même il n’a qu’une boisson,
l’eau vive sortant du rocher frappé. — Dans la nuit mémorable qui précéda sa
sortie d’Égypte, le peuple s’était nourri, une
fois pour toutes,
en figure, d’un Christ mort, et n’avait plus désormais
qu’à célébrer le mémorial
de la Pâque. Dans le désert il se nourrit en
figure d’un Christ vivant, descendu du ciel, d’un Christ homme venu pour faire
la volonté de Dieu, pour le glorifier dans la soumission d’une humble
dépendance, pour servir son Dieu et pour servir ceux qu’il venait sauver.
En décrivant les vertus de
cet homme sans apparence qui était le pain vivant descendu du ciel et n’a pas
cessé d’être ce pain vivant, puisqu’il est « la manne cachée » dans le
sanctuaire, combien je suis humilié de savoir si peu proclamer ses vertus, si
peu les réaliser dans la marche journalière ! C’est qu’il est nécessaire,
pour les faire valoir, d’imiter le peuple, c’est-à-dire de récolter la manne
chaque matin, pour la manger chaque jour. Un jour sans manne était un jour sans
force, un jour où la défaillance atteignait en chemin celui qui avait négligé
de se pourvoir de cette nourriture. La fatigue de l’Israélite n’avait aucun
rapport avec la qualité
de l’aliment
céleste, car il y avait dans ce dernier, jour après jour, une force suffisante
pour chaque étape du voyage. De même pour nous : un chrétien qui se
nourrit journellement des perfections de Christ homme, qui le suit dans son
service, dans son dévouement, dans son parfait oubli de lui-même, dans son
inlassable activité, dans ses sympathies, ses miséricordes et son amour, dans
sa sainteté et sa pureté absolues, dans une vie où chaque instant était
consacré à Dieu et aux hommes… Aux hommes ? quand pas un instant de cette
vie ne passait sans souffrir de leur part ! Mais comment connaître cette
vie ? Nous l’avons dans la Parole qui n’en est pas un reflet affaibli,
mais l’expression vivante elle-même. C’est par la Parole qu’elle se communique
à nous. Jamais si, cherchant Christ dans la Parole, nous le récoltons chaque
jour, nous ne sentirons aucune lassitude de la marche ! Dans cette manne
est la force de nos âmes. « Bienheureux », est-il dit, « celui dont la force est en toi
! » (Ps. 84:5).
Mais, prenons-y garde, dès que le désir des aliments de l’Égypte s’est emparé de nos coeurs, la manne a perdu sa valeur : « Il n’y a rien, si ce n’est cette manne, devant nos yeux », dit le peuple infidèle (Nomb. 11:6). En nous nourrissant de Christ, tel qu’Il s’est manifesté comme homme ici-bas et tel que sa Parole nous le fait connaître, nous arriverons victorieusement et sans entrave au bout de la course.
Telle est la nourriture du chrétien pour sa vie journalière, alimentée par la vie divine manifestée dans l’homme Christ Jésus ; vie qui nous amènera finalement en Canaan où la manne cessera et où nous serons rassasiés du blé du pays. Mais nous, chrétiens, nous avons le privilège de jouir à la fois, déjà ici-bas, de la nourriture du désert et de la nourriture de Canaan.
Le Psaume 23, tout en nous
menant dans le désert, nous parle de cette autre nourriture. En effet, la
nourriture d’une brebis n’est pas la même que celle d’un voyageur. Mais, en
tout premier lieu la brebis a le Berger avec elle pour la conduire, et rien que
Sa
présence
lui fait dire : « Je ne manquerai
de rien ». À sa suite
elle est
nourrie dans le désert de tout ce que le pays céleste offre de meilleur :
Repos au milieu de l’abondance, âme désaltérée en buvant aux eaux courantes de
la vie et de l’Esprit. Ce sont les bénédictions spirituelles et célestes que le
Berger connaît bien et vers lesquelles il dirige nos pas. Avec ce rassasiement
de joie qui comble tous nos désirs et répond à tous nos besoins, le voyage à
travers la vallée où règne l’ombre de la mort nous est facile. L’âme pleine de
repos est maintenant pleine d’assurance. « Je ne craindrai aucun mal »,
dit-elle ; « tu es avec moi ». Les pâturages herbeux ne sont pas toujours
là, mais tout va bien si tu
es là. Tu
as des ressources pour
toutes les circonstances.
Mais voilà que l’aspect
désolé d’un monde où la mort jette ses ombres lugubres fait place à l’aspect
nouveau, bien autrement angoissant, d’un désert plein de dangers, rempli à
chaque pas d’ennemis et d’embûches. Ici la brebis a besoin d’un renouvellement
de provisions, d’une nourriture appropriée au caractère de la contrée sauvage
qu’elle doit traverser. La table dressée ne rappelle-t-elle pas le grand souper
de la grâce ? La tête ointe d’huile, la connaissance par le Saint Esprit
d’un Christ céleste ? La coupe comble n’est-elle pas la joie dans Sa
communion et dans la louange ? Ainsi, du commencement à la fin, cette
nourriture-là est céleste et acquiert toujours plus de prix à mesure que nous
approchons du terme du voyage. Ce terme, la brebis peut en dire avec une pleine
assurance : « Mon habitation sera
dans
la maison de l’Éternel pour toujours ! »