H. Rossier — Courtes méditations — n°6
ME 1921 p. 253-254
Peu d’hommes ont eu de Jésus
une appréciation plus élevée, plus exempte de toute pensée personnelle, que
Jean Baptiste. Il avait devant ses yeux l’Époux, sachant que l’Épouse avait
avec lui une relation beaucoup plus intime que n’était la sienne. Mais sa
position d’infériorité quant à la relation, était pour lui une occasion
d’admirer encore davantage le caractère du Seigneur. Il partageait, comme un
ami intime qui connaît à fond le coeur de son ami, tout ce qui faisait la joie
de ce dernier : Avoir trouvé une compagne selon son coeur, dont il pût
dire : « Cette fois, celle-ci est os de mes os et chair de ma chair ! »
II assistait en ami
à ce triomphe d’un amour dont il n’était pas
l’objet, mais dont son ami lui avait fait la confidence, car ce dernier n’avait
pas de secrets pour lui et avait pleine confiance en sa discrétion. Lui, Jean,
l’ami de l’époux est entièrement dominé par le mérite sans pareil de Celui
qu’il connaît si bien. Son coeur déborde de joie à la pensée que son Ami a
trouvé et possède une compagne digne de lui être associée. Que lui importe,
devant un tel objet, sa valeur personnelle ? « Il faut, dit-il, que Lui
croisse et que moi
je diminue ». Pour que Lui ait tout ce qui est dû à
son infini mérite, aucun mérite, aucune dignité quelconque, ne doivent
subsister à côté de Lui ; il doit occuper toute la place.
Il faut souvent aux chrétiens
une longue vie d’expériences humiliantes, pour être amenés à s’exprimer comme
Jean Baptiste. Notre homme naturel a toujours la tendance de s’élever, jamais
le désir de s’abaisser. II n’aime pas à dire comme Jean : « Il faut
que je diminue ». Sous ce rapport le plus grand des apôtres parlait de Christ
comme Jean Baptiste le plus grand des prophètes, et plus fortement encore que
lui. Quant à nous, Dieu nous apprend à parler ainsi, en nous plaçant sous une
discipline salutaire. Si nous avons eu la folie de nous croire quelque chose,
le blâme de nos proches, la critique de nos frères, les remarques d’un monde
perspicace pour nous trouver en faute, nous ont bientôt appris le néant de nos
prétentions. Alors nous comprenons que ces coups de verge nous étaient
nécessaires pour nous faire consentir à donner toute la place au Seigneur. Dieu
nous dépouille contre notre gré pour que ce résultat : « Il faut que Lui
croisse
», soit obtenu : Jean n’avait pas besoin de cette
discipline : il disait : « Il faut
». C’était un besoin de son coeur, fruit de son amour pour le
Seigneur. Nous ne pouvons éprouver de joie
quand la discipline nous
force à reconnaître notre néant et nous prouve qu’en nous estimant nous-mêmes,
en cherchant à croître,
nous avons diminué
notre Sauveur. Jean Baptiste
n’avait qu’un objet, le Seigneur, et, quoiqu’il sût qu’il était lui-même, par
position
, le plus grand des
prophètes, il savait aussi que, personnellement, il n’était pas digne de délier
la courroie de la sandale de Christ, de remplir vis-à-vis de lui l’office du
dernier des esclaves.